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Faut-il penser le viol comme une relation sexuelle à laquelle l’un des partenaires n’a pas consenti ou comme une relation sexuelle imposée par la force ? La loi doit-elle se placer du point de vue de la victime, en exigeant qu’elle ait clairement et librement donné son accord, ou du point de vue de l’auteur, en réclamant, comme le code pénal français, qu’il ait employé la « violence, la contrainte, la menace ou la surprise » ? Certains pays européens ont adopté la première approche, d’autres la seconde – et leurs désaccords sont si profonds que Bruxelles a échoué, en février, à unifier la définition pénale du viol en Europe.
Le 8 mars 2022, la Commission européenne avait présenté un projet de directive qui, tout en interdisant les mariages forcés, les mutilations génitales ou le harcèlement sexuel, instaurait pour la première fois une définition du viol commune aux vingt-sept pays de l’Union. Assis sur la notion de « non-consentement », ce texte, qui reprenait la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe, était fondé sur un principe simple : « Seul oui veut dire oui ». Pour caractériser le viol, il suffisait d’établir le défaut de consentement de la victime – que le violeur ait, ou non, utilisé des moyens de coercition.
Parce que l’accord des deux partenaires était au cœur de cette définition européenne du viol, la directive détaillait les conditions garantissant la liberté du consentement : celui-ci perdait toute validité lorsque la femme était dans un « état physique ou mental » l’empêchant de se « forger une volonté libre » – l’inconscience, l’ivresse, le sommeil, la maladie, la blessure physique ou le handicap – et il pouvait être annulé « à tout moment au cours de l’acte ». Le « silence de la femme, son absence de résistance verbale ou physique ou son comportement sexuel passé » ne pouvait, selon le texte, passer pour une forme, même dégradée, de consentement.
La Grèce, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg, la Croatie, la Suède, l’Irlande, le Portugal, l’Espagne, la Finlande et la Slovénie ont soutenu ce changement de paradigme. Pour ces pays de l’UE comme pour le Danemark, l’Islande, le Royaume-Uni, la Suisse et le Canada, le viol, quand la victime est en état de sidération, ne s’accompagne pas forcément de brutalités physiques. Pour lutter efficacement contre les violences sexuelles, conclut la chercheuse Catherine Le Magueresse, il faut donc demander à la personne qui engage une relation sexuelle de « s’assurer du consentement positif » de son ou sa partenaire plutôt que d’« exiger de la victime qu’elle lui résiste ».
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